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IN MERMORIAM

08/06/2017 - L. STROUK Galerie - Paris

Si, de Brusk, nous connaissions essentiellement les gigantesques fresques murales qui bousculent l’hexagone depuis plus de vingt ans, la présente exposition à la Galerie Laurent Strouk propose d’éclairer l’œuvre du jeune lyonnais (né en 1976) sous un angle nouveau : le travail en atelier.

De son propre aveu, Brusk serait avant tout un dessinateur ; étiquette que confirment aisément son goût de l’illustration, de la recherche graphique et typographique, l’attention qu’il porte au volume, à la lumière et plus encore aux jeux de clairs-obscurs. Dans ces compositions éclatées, la gestuelle spontanée de l’artiste devient prétexte aux entreprises contrastées des plus audacieuses : il joue du plein et du vide, de la couleur et du noir et blanc, du grand format et de l’attention minutieuse portée à chaque détail. Ces emprunts s’amalgament aux éléments propres à la culture graffiti, au premier rang desquels l’usage de l’aérosol ou la réitération du fow, dans l’enchaînement des lettres et des motifs, qui structure et rythme les superpositions de plans. La facilité avec laquelle Brusk mobilise ces diverses références est l’une des forces de l’artiste et le place dans la lignée des rares peintres issus du graffiti à avoir su tracer un trait d’union entre high et low culture.

Très vite, son style devient immédiatement reconnaissable entre tous. On a coutume de le qualifier de « dripping style ». Pour l’artiste, la coulure ne définit plus un effet de style mais bel et bien une technique à part entière, il la « dompte » afin de créer du mouvement, du relief. Son corollaire, la déchirure, invite pour sa part à désamorcer le motif, afin de l’inscrire dans plus de légèreté et de volatilité. Plus récemment, il poursuit ses investigations autour de la 3D et créé, pour l’exposition, deux sculptures-installations. Nous l’aurons compris, Brusk place l’expérimentation au cœur de son travail, et n’hésite pas à se remettre constamment en jeu.

Les thématiques abordées par l’artiste entrent en résonance avec la dualité formelle évoquée supra : il s’agit cette fois d’opposer l’amour à la mort, l’urbanité à l’animalité, la noblesse de la création à la trivialité de l’actualité. Le tout, bien souvent, au travers du prisme de l’humour, tantôt noir, tantôt fantaisiste. En témoigne la fresque ludique « Giant squid », sorte de calamar mutant, imaginée par l’artiste sur un bâtiment longiligne en bordure de Seine à Rouen, en 2016. Ou bien la façon dont il revisite les chefs-d’oeuvre de l’Histoire de l’art, de la Création d’Adam de Michel-Ange (« Et l’Art créa Dieu », 2013), au Penseur de Rodin ( « Rod1 », 2015), sans oublier le clin d’œil Warholien « This isn’t a Warhol Banana », de 2015. Parfois, la critique se fait plus acerbe, et plus engagée. Point d’orgue de l’exposition, la série consacrée aux Réfugiés entame une réflexion sur la manière de sensibiliser au sort souvent injuste réservé à ces populations en Europe. L’artiste s’attache à démontrer que l’art peut modifier notre regard, jouer un rôle politique, et déclencher une dynamique collective de la société, loin de tout a priori.

 

Alexandra Marini